Le livreur de pains-maison : notre réveil matin
A la poignée de la porte, nous accrochions autrefois un sac en toile cousu-main. Il arrivait sur son vieux Raleigh (vélo noir) au lever du soleil et utilisait un klaxon à air manuel isolé. Pas besoin de porte-voix. Il criait : ‘di pain so’, entendez par là, ‘du pain chaud’. Lui, nous l’appelions ‘marsandipin’, et c’était le réveil matin du quartier, dans notre île Maurice de jadis.
Je me suis toujours posée la question comment il pouvait bien tenir en équilibre sur ce moyen de locomotion an ayant deux gros sacs en goni (jute) juste à l’arrière, sur son porte-bagage pour nous livrer nos pains-maison à domicile. Il se réveillait certainement bien plus tôt que nous, soit aux alentours de quatre heures du matin afin de se rendre à la boulangerie traditionnelle où ce bon pain-maison se faisait cuire au feu de bois. Qu’il tonne ou qu’il fasse beau, cet homme au corps athlétique s’assurait toujours d’honorer ses engagements, malgré son âge avancé.
L’un de nous sautait alors du lit et s’appropriait le sac. Pas question de le laisser et surtout son contenu dehors. La délicieuse odeur qui en émanait faisait émerger les autres du lit douillet et d’un bon pied ils bondissaient de joie.
Comment vous décrire ce pain-maison, sinon qu’il n’a pas pris une ride depuis des siècles ? Il est rond et pèse quelques 100 grammes en étant fendu au milieu afin de permettre qu’il se rompe plus facilement en deux moitiés égales. De la farine blanche, de l’eau, du sel et de la levure de boulanger composent ses ingrédients. Sa mie est remplie d’alvéoles et c’est cela qui lui donne sa légèreté et son croustillant. Rien qu’un peu de beurre salé, une confiture de papayes ou d’ananas, du fromage râpé ou encore de la sardine, des gâteaux-piments bien chauds pour le fourrer lui additionne une valeur ajoutée qui lui est caractéristique. Le choix est multiple.
De nos jours, les choses ont bien évolué, bien que nous restions attachés à ce pain si particulier. Les ‘marsandipins’ ont pratiquement disparu. Nous nous rendons au supermarché soit en voiture, en bus ou à pieds et pouvons choisir parfois parmi plus d’une vingtaine de variétés de pains qui sont sous différentes formes. Ils sont certainement plus nourrissants étant agrémentés d’olives, d’oignons, de pignons de pins, de graines de sésame entre autres. Les sacs ont fait place à des sachets en papier ou sont en matière biodégradable.
Le bon feu de bois a été remplacé par le four et les pains sont fabriqués mécaniquement. Les baguettes françaises et les ‘moules’ souvent coupés en tranches fines sont à la mode. Le pain, dans notre quotidien remplace graduellement le riz, notre base de consommation. Pourtant quand arrive une fête, nous, les mauriciens continuons à commander des mini pains-maison bien chauds et devenons nostalgiques.
Heureux serez-vous si vous avez l’occasion de visiter dans ce village qu’est Bon Accueil et qui porte bien son nom, cette boulangerie ancestrale qui attirera votre regard par sa simplicité et son authenticité.
Notre réveil matin, le ‘marsandipin’ s’en est allé sur la pointe des pieds. Nous n’entendons plus de klaxon, mais sommes réveillés aujourd’hui pour certains par la sonnerie du four dans lequel le pain pré-cuit vient émoustiller nos papilles.
La Fête du Pain, célébrée à l’île Maurice le 20 et le 21 mai, fait honneur aux boulangers et aux friands de bons pains.
Quand il en reste, surtout ne les gaspillez pas ! Il y a toujours moyen de faire mieux : un bon pudding de pains à la noix de coco, vanillé, avec des raisins secs, nappé de caramel ou encore faire du Pain perdu. Du pain : rien n’est perdu. Tout au contraire.
Allez, je m’y mets ! Allons cuire ce fameux ‘ Roly Poly Pudding’ : Un pudding de pain renversé et renversant !
Lza M Natur