RAKSHA BANDHAN – Le lien de fraternité
Un rocher au-delà de la vue des continents, les seins ancrés sous une verdoyante forêt, mon île vogue sur les vagues écarlates du soleil couchant. Ce divin crépuscule qui vous crépite le sang de joie et de bonheur, si la chance vous honore. Cependant, à l’arrière des temps, seuls les oiseaux jouissaient de la grâce de chanter cette exaltation féerique, car nul homme n’osait avancer ses pas afin de contempler tel hors-d’œuvre céleste.
Mais tandis que se déchaînaient les mers australes, l’Europe nous fit valoir sa priorité de vie et ses penchants, L’Afrique ses souffrances et son dur labeur, L’Asie ses traditions et son espérance provoquant un kaléidoscope culturel à faire pâlir bien des peuples. C’est ainsi que la culture européenne nous légua la fête des mères, le continent noir ses danses folkloriques, la Chine la fête du printemps et l’Inde le Raksha Bandhan ou le Rakhi. Une fête qui n’a pas son semblable, car vous avez une fête qui en fait, n’est pas une fête mais un lien ou un engagement fraternel célébré annuellement entre frère et sœur biologiques faisant le vœu solennel de se protéger mutuellement par amour. L’Inde avec sa vocation traditionnelle bien établie, commémore le Raksha Bandhan avec tous les rites et les éclats qu’exige le social et il va de soi pour la diaspora indienne de par le monde. En parité avec ses racines, notre île n’a pas raté le coche. Le Rakhi est bel et bien adopté et célébré comme il se doit.
Auréolé de deux évènements majeurs, le mois d’août se voit en effervescence. La fête de la Vierge Marie et le Raksha Bhandan. La première célébrée à l’église, tandis que le suivant monopolise l’apport parental.
Quoique le Raksha Bandhan concerne le frère et la sœur, tout l’entourage familial est en alerte pour que cela soit un succès. Les jours précédents priorité au shopping, on fait les courses. Que ce soit les grandes surfaces qui sont en primeur ou les magasins du coin, petite sœur doit se faire belle et le frère aîné ou le benjamin se fait toujours un devoir de trouver quelque chose afin de plaire à celle à qui il a voué protection.
Bien avant le premier sourire du soleil, le thali (assiette cuivrée) est mis à neuf avec toutes ses brillances. Maman et tante, à pied d’œuvre à la cuisine préparant le ladoo, le halwa (gâteaux succulents) et le burfi (gâteau à base de lait et de sucre). Cela grogne dans les casseroles. Que c’est beau de voir ces petites douceurs placées cérémonieusement dans le thali, divinement embellies de « Gendas » (œillets d’Inde), de Bétel (petites feuilles en forme de cœur) sur lesquelles trônent les Paques (grosses graines en forme de toupie). Le Rakhi (petite fleur ornée et colorée nouée à deux filons) couronne le thali qui véhicule surtout le camphre sacré, l’encens embaumant le lieu divin au parfum de bois de santal.
Un système audio fier comme tout, déborde sur les clameurs des enfants excités et joyeux, entonnant le Raksha Bhandan, musique d’antan, remixée pour plaire aux jeunes et moins jeunes. Musique qui chante la gloire de l’amour fraternel et les responsabilités qui y incombent.
Ainsi petite sœur souriante, thali à la main, s’avance pieusement à petit pas vers son frère qui l’observe avec un sourire aux lèvres. Deux larmes, larmes d’amour, glissent paisiblement sur les joues fragiles de la petite, exprimant cette intense fraternité qu’anime son cœur tandis qu’elle lui attache le rakhi au poignet. D’un clic, elle enflamme le camphre et l’Aarti parfume son frère en faisant un cercle autour de la tête et au visage avec une sainteté de l’âme venant de l’intérieur. Après trois révolutions, elle dirige religieusement l’encens l’embaumant à volonté. Ceci étant fait ; elle prend un ladoo et l’offre à sa moitié fraternelle qui le savoure avec joie.
Il se fait un devoir de parfaire la réciproque après quoi les cadeaux pleuvent, bénissant petits et grands.
C’est cela Raksha Bhandan, un lien d’amour et de fraternité, honoré par le Très-Haut.
De nos jours, cette fête est également célébrée par ceux et celles n’ayant aucun lien d’affiliation. Il suffit que les deux personnes se vouent un amour fraternel pour qu’elles décident de la célébrer pour faire part de leur respect mutuel.
C’est cela l’âme de l’île Maurice. ! «Top ça» disent les Mauriciens.
RM