Ile Maurice : Grands, beaux et noirs
Ce titre interpelle, car vous croirez à tort qu’il s’agit de l’espèce humaine.
L’idole des jeunes de l’époque, l’inoubliable Jhonny a chanté ce tube : ‘Noir c’est noir’… il n’y a plus d’espoir’ ! Pourtant, à l’île Maurice au Sud, un fabuleux espoir est né du noir : Celui de sauvegarder et de faire grandir des ébéniers dans une forêt tropicale riche et dense, alors que 2 % seulement des fôrets indigènes subsistent. Une excursion ou une incursion est à faire dans l’un des coins les plus préservés à Chamarel, petit village pittoresque, niché à quelques 330 mètres d’altitude, là où toute la splendeur des tons déclinants d’émeraude se laisse contempler.
Sur une superficie de cinquante hectares, quatorze ont déjà été bichonnés, nettoyés, aérés pour laisser la place à de très beaux spécimens de Diospyros ou ebéniers noirs, à Ebony Forests. Owen et Mary- Ann Griffiths et leurs équipes n’épargnent aucun effort pour reconstituer ce à quoi ressemblait notre destination avant l’arrivée de l’homme où les ébéniers régnaient en maître.
Les guides passionnés de leur métier charment par leur courtoisie, leur efficacité et leur connaissance des essences rares et des espèces d’animaux du parc. Dans le musée, une coupe transversale du bois précieux, d’un mètre de diamètre surprend agréablement. Une envie de caresser des doigts ce bois verni, scintillant, d’un noir de jais, où se reflète une lumière tamisée me transporte au temps des hollandais. A cette époque l’île regorgeait de ces spécimens, pourtant si lourds à transporter, car le bois d’ébène de par sa densité ne flotte pas. Je comprends alors pourquoi les pianos à queue de l’époque coûtaient si cher, les touches noires étant de ce bois ayant parcouru des mers souvent démontées et où les cargaisons se perdaient.
Je décidai de faire la ballade à pieds jusqu’à La Passerelle où dans un silence religieux, quelques sons naturels chatouillent harmonieusement les tympans : bruissement des feuilles au souffle léger du vent, chants d’oiseaux de tous plumages, battements d’ailes de chauve-souris ‘roussettes’, frugivores en vol piqué-planés très bas. Des geckos se laissent paresseusement dorer au soleil sur l’un des plus grands Vacoas, jamais vus, car c’est là-dessus qu’ils ont élu domicile pour mieux se camoufler et se protéger des prédateurs.
Voulant aller plus loin, dans mon incursion dans cette forêt, je me mis en route vers le Point Sublime à mon rythme. Quelques efforts physiques, il est vrai, mais de là-haut, quel point de vue ! Un angle à 360 degrés, du Morne jusqu’au-delà du sud. Au bas de la montagne, des petits villages où les habitants ne savent probablement pas que d’en haut, la vue est juste splendide, imprenable. C’est de là que j’ai pu voir l’immensité du paysage : les terres de l’ouest, des terres plates et des vallons tantôt arides et tantôt recouverts de végétation dense. Le ciel bleu et la mer indienne se marient parfaitement et s’étirent à perte de vue. J’aurais pu y rester des heures, mais intrépide que je suis, je voulais continuer à grimper. Pente raide … O Combien raide jusqu’au Piton Canot à quelques 550 mètres d’altitude.
C’est un véritable défi que d’être au sommet, sommet de l’art : l’art de pouvoir contempler la majesté de la nature et de s’en imprégner pour se renouveler.
Voulant marquer mon passage sur ces terres loin de la grande foule, j’avais sur les conseils de mon guide acheté un jeton qui me donnait le droit de planter un arbre là où les hommes de Ebony Forests avaient créé une petite clairière. Je redescendis de mon nuage et de ma rêverie pour retrouver la réalité, car je tenais à léguer quelque chose de fabuleux pour la postérité : replanter un ébénier. Ce petit geste symbolique est un grand pas pour l’humanité, celui de sauvegarder nos forêts et nos essences rares de la disparition.
Je ne le verrai certainement pas devenir robuste et solide, mais je me promis de le rendre visite quand je serai dans le coin. La nature s’occuperait bien de lui, mon ébénier à moi … mon Diospyros.
Si chaque être qui rend visite à ce site pourrait en faire autant, noir ne sera plus jamais noir : il y a effectivement de l’espoir pour que nos enfants et les générations futures puissent eux aussi admirer les grands, beaux et noirs de nos forêts!
Natur Lza