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Bazar Port Louis

Pittoresque. C’est la description parfaite du marché central de Port Louis, notre capitale. Ornée de fer forgé, de motifs floraux, d’inscriptions et d’arcs en pierre, la porte d’ entrée me donna un premier aperçu de cette visite spectaculaire. Elle date de 1839, à l’époque britannique. Le marché est situé à la rue Farquhar, à l’emplacement de l’ancien Bassin des Chaloupes. Un incendie à la fin des années 90, endommagea gravement la structure. Malgré les travaux de rénovations menés au cours des dernières décennies, l’authenticité du lieu est toujours préservée. J’eus déjà envie de faire une petite balade dans le passé en immortalisant la singularité de cette porte d’entrée.

La cacophonie du bruit des voix persuasives des marchands, la cohue de gens qui essaient d’obtenir les meilleurs produits et le mélange de parfums d’oignons, de coriandre, d’épices  suffirent pour que j’y entre. Un monde complètement différent de tout ce que j’ avais vu jusqu’ à présent ! Je pris note de l’ ordre dans lequel les légumes et les fruits étaient disposés et alignés.  Une quasi-perfection ! Les tomates, par exemple, étaient empilées de manière circulaire, les unes sur les autres. Comme une hiérarchie ….un sapin de Noël. La discipline derrière cette organisation était magnifique.  Il n’y avait aucun risque de confusion. L’ on peut acheter des légumes sur un stand spécifique, des salades d’un autre vendeur et des fruits d’un troisième. L’harmonie des lieux, malgré le bruit, semblait surréaliste.

Bien sûr, tous les produits exposés étaient frais et semblaient si juteux. Le mélange de couleurs et de parfums était si contrastant et agréable. Les tomates rouges, les pâtissons jaunes (courges), les oignons pourpres, les piments verts et rouges étaient un plaisir pour les yeux.  Mais ce qui attira le plus mon attention, ce fut la variété de fruits tropicaux. Tant de couleurs, tant de textures différentes. Les mangues semblaient délicieuses, d’autant plus qu’il y avait beaucoup de choix; Les mangues “Rosa” sont les plus populaires en été ici. Aucun doute qu’ elles soient les favorites avec leurs magnifiques couleurs jaune, rouge et vert ! Les litchis sont également très demandés à Maurice en été. Je me suis retrouvée devant un étal où trônaient de grands paniers de litchis rouges. Le marchand me proposa d’en goûter gratuitement. Je le trouvai succulent ! Si sucré, si juteux que vous ne pouvez résister à la tentation d’ en vouloir un autre…

De grande taille et de couleur brun jaunâtre, le jacquier suscita mon intérêt. Des souvenirs de mon enfance m’inondèrent – ma grand-mère cuisinait le jacquier en curry. Elle racontait alors à tous ses petits-enfants l’histoire de son mariage; comment elle s’etait mariée à l’âge de 16 ans et dût apprendre à cuisiner le jacquier dans le cadre de la cuisine tamoule traditionnelle des 7 caris (sept currys). Je l’ aidais souvent à éplucher les graines tout en la regardant mélanger les épices. Cela m’intriguait comment elle utilisait le jacquier, qui, à la base est un fruit, comme légume ! Il me vint l’ envie d’ en cuisiner ce jour là. Mais il me fallait d’abord trouver les épices!

Alors que je commençais à me frayer un chemin à travers la foule, j’ entendis les marchands crier à l’unisson pour persuader les clients éventuels d’ acheter leurs produits, tout en étant étonnamment très accueillants. Vous pourriez simplement vous tenir dans un coin pour observer et ils viendraient naturellement vers vous pour vous aider même s’ils ne vendent pas le produit demandé eux-mêmes. Ils parlaient créole, mais je remarquai qu’ils étaient multilingues en les entendant  s’adresser en différentes langues aux touristes autour. Je me mis à rire en entendant un commerçant chanter à haute voix : « Vini Vini vine prend zot mangue, quand met dans la bouche cuma dire chocolat dans la bouche” (Venez prendre votre mangue. Lorsque vous la mangez , c’est comme si vous goûtiez du chocolat qui fond dans votre bouche).

Je sus tout de suite quand j’étais près de l’ étal d’épices puisque l’ arôme chaud et épicé des poudres envahissait l’air. Le simple fait de voir les épices me mit l’eau à la bouche. Les poudres et les grains étaient rangés dans de grands sacs en jute avec des étiquettes quadricolores (couleurs du drapeau mauricien) en quatre langues différentes. Je voulus tout acheter – la poudre de Vindaloo jaune moutarde, celles de piment orange vif ou de tandoori rouge. Une telle variété en un si petit espace ! Nos ainés nous diraient que nous avons plein de facilités de nos jours. De leur temps, l’ on broyait les épices sur une «roche cari» (une pierre grossièrement polie en forme de rectangle assortie d’ un rouleau en pierre) – un mélange de safran et de piments rouges. Les mains étaient alors aussi jaunes et rouges que ces épices d’ ici. Le marchand, au sourire chaleureux, m’ aida en me proposant les épices nécessaires pour le curry du fruit du jacquier, car j’avais un peu oublié. Ces épices viennent d’Indonésie, d’Inde, de Chine; un goût d’épices du monde entier en un seul endroit: Maurice!

À ma gauche, un étal de fruits de mer salés et séchés de Rodrigues, notre île sœur, m’attendait. L’étal était une combinaison intéressante de poisson salé et de poulpe séché. Je respirai l’air salin, me rappelant la mer; les lagunes bleues de Rodrigues et de Maurice. Je décida de jeter un coup d’œil aux produits artisanaux à l’étage. J’ y trouvais en vente des produits fabriqués à la main. Robes multicolores, chemises, pashminas en cachemire, sculptures sur bois, instruments de musique comme le jambé et la maravanne (les mauriciens utilisent la maravanne dans le Séga, musique mauricienne traditionnelle), des chapeaux de paille et des sacs de toutes les couleurs. Je fis la rencontre d’ un ancien marchand maintenant retraité qui m’expliqua que de nos jours, les marchands importent des produits artisanaux de pays comme Madagascar, le Mozambique et l’Inde.  “40 ans en arrière, ce n’était pas le cas”, me dit-il. Les sculptures sur bois et les souvenirs du célèbre Dodo, oiseau mauricien sont certainement des articles que l’ on trouve sur pratiquement tous les étals. Les traditions et coutumes ethniques d’autres pays sont également mises en avant au marché central car je tombai sur des masques africains tribaux. Vous pouvez également vous procurer un joli motif Mehendi (art corporel de l’Inde ancienne à base de pâte de henné) sur vos mains ou vos jambes, appliqué par une fille. Tout en étant à Maurice,  l’ on découvre la cuisine, les produits artisanaux et traditionnels d’autres pays.  C’est en effet une représentation parfaite de la diversité à Maurice.

Je m’ arrêtai à notre célèbre stand de ‘dal puri’ (pâte à la farine farcie fabriquée à partir de lentilles de gramme indiennes). Ce fut une explosion de saveurs. Ce plat de rue végétalien, que l’on ne trouve qu’à Maurice, est accompagné de condiments, de curry de gros haricots blancs, de rougaille de pommes d’ amour, de coriandre et de piments. Une chose est sûre: vous ne pourrez pas résister au dholl puri mauricien après avoir mangé un de ceux-là au Bazar Port Louis. Mon guide insista pour me faite goûter un verre d’ Alouda (boisson froide à base de lait avec des graines de basilic et de la gelée). Vous pouvez choisir votre lait froid parmi une variété de couleurs disponibles: blanc, rose et vert. J’ eus juste à me servir et bus la boisson froide la plus savoureuse de Port Louis pour ensuire régler une fois que j’ eus terminé. C’ est vous dire la confiance qui règne !

Alors que je disais au revoir et remerciais le monsieur de son accueil chaleureux et de sa gentillesse, je me retournai et jetai un ultime regard sur le bâtiment avec ses 3 portes uniques. Je voulus juste prendre une dernière photo et cette fois, capturer l’essence de cet endroit magique.  Authenticité. Diversité. Ordre. Discipline. Beauté. Respect. Coopération. C’est ce que je garderai comme souvenirs du “Bazar Port Louis”.

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