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15 Août : Fête Marie !

“Fête Marie !” Voici comment nous appelons communément la Fête de l’Assomption à l’Ile Maurice.  En effet, le 15 août, même si cette date n’est pas tous les ans proclamée fériée, elle reste néanmoins un jour de fête dans les familles mauriciennes.

Ici toutes les grandes religions se côtoient fraternellement et le catholicisme est bien présent avec 30% de pratiquants. L’ancienne Isle de France devint une colonie française en 1715 mais la véritable colonisation débuta en 1721, date qui sera témoin de l’arrivée de missionnaires.  Des églises et des chapelles furent construites où esclaves et européens venaient s’y recueillir.

En bons mauriciens, avec notre sens aiguisé du partage et notre convivialité naturelle, la “Fête Marie” est devenue aujourd’hui une fête commune, célébrée par plusieurs communautés peu importe la croyance. Si dans le temps, de grandes processions solennelles dédiées à la Vierge Marie traversaient les rues et ruelles de nos villes et villages après la grand-messe, ce n’est plus trop d’actualité aujourd’hui. Mais certaines vieilles traditions sont quand même restées bien ancrées !

En ce 15 août, je n’oublie pas de souhaiter une bonne fête à toutes celles qui s’appellent Marie (il existait dans le temps une coutume chez les familles catholiques où toutes les filles portaient ce prénom parmi d’autres). Cette pratique a donné lieu à des situations amusantes. Lorsque nos demoiselles partaient en études ou émigraient dans des pays anglophones où le premier prénom est toujours pris en considération sur les documents officiels, toutes les mauriciennes s’appelaient “Mary“! Nos compatriotes qui portent ce nom en guise de patronyme (assez commun à l’Ile Maurice) ne sont pas non plus en reste.

Les jeunes filles et les femmes se font offrir un gâteau bleu et blanc : le fameux “gâteau Marie” qui n’existe qu’à l’île Maurice . Il est orné d’une petite statuette en sucre, à l’effigie de la Vierge Marie et est vendu à travers toute l’île dans les pâtisseries ou les grandes surfaces.

C’est quelque part, également un jour où toutes les femmes sont fêtées dans les familles, un jour où elles sont mises à l’honneur.

J’ai observé nos visiteurs étrangers qui sont souvent très intrigués par ces gâteaux bleus et blancs qui, ce jour là, ornent quasiment toutes les vitrines. Ils se gaussent gentiment de tous ces mauriciens déambulant dans les rues avec leur gâteau!  Petite anecdocte cocasse : les marchands sur les trottoirs qui hurlent à tue tête aux passantes : “Se ki pena mari, asté Marie !” un jeu de mots voulant signifier : ceux qui n’ont pas de mari, achetez Marie (le gâteau)!

Ce gâteau, j’ai ouï dire était autrefois cuit dans les chaumières, au feu de bois la veille de la fête.   Les grands-parents utilisaient un grand récipient en fonte contenant du sable, dans lequel était placé le moule avec la pâte du gâteau, qui s’apparente quelque peu à un quatre-quarts. Le tout était recouvert de braises. Les femmes s’affairaient autour du feu pour en surveiller la cuisson. Toute la famille attendait patiemment le moment où la grand’mère allait annoncer que le gâteau Marie était enfin prêt! Moment de réjouissances pour les tout petits, dont les yeux brillaient d’impatience, alléchés par le doux parfum de vanille mélangé à l’odeur  de  fumée du feu de bois.

Qu’à cela ne tienne : Il fallait absolument attendre le lendemain pour le déguster, soit le 15 août.  Ce jour-là les paroissiens endimanchés ne râtent pas la messe car c’est une célébration obligatoire du calendrier catholique.

C’est également une fête familiale où toutes générations confondues se retrouvent après l’office pour un bon déjeuner chez les grands-parents, la plupart du temps. Les plats succulents, les uns plus épicés que les autres, se succèdent à table et le déjeuner peut durer des heures entières. J’ai eu maintes fois l’occasion d’assister à ces déjeuners dans une ambiance sympathique et très conviviale.

Le délicieux gâteau est entamé en guise de dessert et les enfants se disputent la petite statuette en sucre. Il faudra donc la partager si minuscule soit-elle, pour calmer les esprits! C’est autour de ces grandes tablées que j’ai si souvent entendu les aînés  faire part de leurs anecdotes d’autrefois, celles-là même qui, fort heureusement, traversent le temps …et deviennent le patrimoine exclusif de chaque famille.

D’autres encore, optent pour un pique-nique à la plage où petits et grands y trouvent leur compte. Il n’est pas de fêtes mauriciennes sans le petit punch local qui est bien entendu présent. Il se partage entre amis, parents et voisins. La “fête Marie” se prolonge donc souvent dans l’allégresse, bien après le coucher du soleil, au son des ravannes chauffées au feu de bois, et au rythme des déhanchés que certains puritains pourraient trouver moins catholiques! Qu’importe !  En bons croyants, nous restons persuadés que nos chants créoles venant tout droit du coeur s’élèvent tout aussi bien jusqu’ aux voûtes célestes, tout en se mélangeant à d’autres voix, en ce jour de l’Assomption où Marie est célébrée!

NadElle

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